A onze ans, on croit en tout!
Où en rien mais au fond c'est la même chose.
Alors, quand ce beau garçon vient s'asseoir près d'elle, lui décoche un sourire éclatant en la saluant, elle veut croire qu'elle ne rêve pas.
Il lui demande une cigarette qu'elle s'empresse de lui offrir.
En cachette, car en réalité elle est en cours, sortie de classe avec le collège, ils ont fait une genre de chasse au trésor dans le plus grand parc de la ville, puis ont échoués sur une grande place pour une pause déjeuner et un foot.
Les profs encadrant sont assis à l'autre bout et ne s'occupe pas d'elle pour le moment, ils boivent un café, sûrement en s'échangeant des anecdotes sur leur taf pourri.
Elle s'est posée 5 minutes, pour s'en griller une en douce, quand cet ange sorti de nul part a débarqué.
"Je m'appelle Tarek et toi?"
Elle bafouille son prénom, doit répéter car comme toujours, on le confond avec un autre.
Merde!
Une prof l'a repéré, elle doit retourner jouer.
Elle se lève à contre-coeur et rejoint les autres qui se disputent le ballon.
Adrien, le beau gosse de la classe (qu'elle aime en cachette, mais chut hein!) lui lance un regard mauvais et crie dans sa direction:
"Et si on faisait un foot massacreur?"
Le but de ce jeu débile est de faire passer la balle entre les jambes de quelqu'un, un petit pont quoi, si on réussit, toute l'équipe doit aller "massacrer" le malchanceux....
Pas de bol, c'est sur elle que ça commence, Adrien ne rate pas son tir, et en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, elle se retrouve à terre, rouée de coups de pieds et poing.
Elle n'a rien vu venir, 3 secondes plus tard, elle ne sent presque plus la douleur, tellement elle la submerge.
Bien sur les profs réagissent à peine et avec lenteur, Tarek est plus rapide, il attrape Adrien par son sweat et le soulève (il mesure bien 20 centimètre et 5 ans de plus) lui crache au visage et lui dit: "Mon gars, si je te chope dans la rue, je vais te faire ta fête..."
Puis il le pousse et vient aider la jeune fille à se relever.
Il l'a ramène sur le banc, pendant que les profs engueulent mollement ses camarades.
Elle remercie son sauveur, qui lui promet de s'occuper du cas d'Adrien, dès qu'il en aura l'occasion.
Puis, il lui donne rendez-vous le lendemain sur la place.
Quand elle rentre chez elle, elle ne marche pas, elle vole, ne sent même pas les bleus qui viennent fleurir sur son corps.
Son coeur bat la chamade à la seule évocation de ce prénom, qu'elle murmure comme une formule magique.
Elle ne dort pas cette nuit-là, imaginant un million de scénarios possibles et comptant les minutes qui la séparent de son prince...
Le lendemain c'est samedi, elle part de chez elle le plus tôt possible, prétextant un rendez-vous avec des copines.
Elle chausse ses rollers car la place est à l'autre bout de la ville, puis file rejoindre Tarek à tout allure.
Elle l'attend toute l'après-midi mais il ne vient pas.
Dès lors, tout les mercredi et les week-end, elle y retourne, espérant le revoir.
Elle se lie d'amitié avec un mec, Harry, 24 ans, avec qui elle passe ses journées sur un banc, à fumer des pétards et à philosopher.
Les grandes vacances approchent, elle les attends avec impatience, car elle pourra venir tout les jours.
Un matin, au bahut, Adrien se pointe après 2 jours d'absences. Il a la gueule en vrac, un beau cocard lui cerne l'oeil droit, ce qui ne l'empêche pas d'être le chouchou des filles, au contraire...
Elle apprend par lui qu'il s'est fait agresser dans la rue, bombe lacrymo et pétage de tronche en règle, par Tarek et un pote à lui. Elle a du mal à y croire, mais Adrien semble sérieux, il dit même qu'il a déposé plainte.
Son coeur qui s'était calmé depuis ce long mois sans nouvelles, reprend sa course effrénée!
Quelle ne fut pas sa surprise, un soir en sortant du collège, de tomber nez à nez avec Tarek, au coin de la rue, avec des grands de 3ème!!!
Il la reconnaît, l'a fait s'asseoir près de lui, et , sans prévenir, la renverse en arrière et lui dévore la bouche!
Elle ne pense même pas à fermer les yeux, comprenant à peine ce qui ce passe.
Les autres se marrent en la voyant.
Quand enfin elle reprend son souffle, elle est rouge de honte, de joie, et de tellement d'autres choses...
Il s'excuse pour le dernier lapin, lui redonne rendez-vous le samedi suivant, en promettant d'être là cette fois.
Les étoiles dans ses yeux se rallument plus brillantes que jamais.
Elle! Il l'a embrassé, elle?!
Elle que tout le monde (elle la 1ère) trouve moche, bête, trop grande, trop ronde, trop mal habillée pour ce collège bourgeois, trop inintéressante pour cet univers superficiel, elle, ce garçon veut la revoir, elle!
Les jours suivants, elle ne s'en souvient pas, elle n'est pas vraiment là...
Et quand il arrive sur la place, à l'heure dite, elle se pince pour être sur de ne pas rêver.
Il l'embrasse, elle se décompose, en lumière, en fumée, en quelque chose de doux, vaporeux...
Elle ne s'est jamais sentie aussi vivante!
Il l'entraîne quelques rues plus loin, dans des escaliers menant à un parking, peu utilisé.
Il l'enlace, l'embrasse, se fait de plus en plus pressant, ses mains deviennent baladeuses.
Dans sa tête, les pensées fusent à toute vitesse!
Elle se souvient d'un article, dans son magasine préféré, Girls! , où un sexologue expliquait que pour une fille, il fallait attendre d'avoir ses règles, pour faire l'amour avec un garçon.
Elle s'affole, n'ose pas lui dire qu'à onze ans elle ne les a toujours pas eu!
D'ailleurs, comme beaucoup d'autres personnes, il ne la croit pas sur son âge, avec ses 1m70, on lui donne toujours 16 ans ou plus.
Elle finit par trouver une excuse, la communion d'une copine, à laquelle elle est invitée, et s'enfuit comme une voleuse, lui promettant de revenir le lendemain.
Déboussolée, elle n'y retourne pas et pleure longtemps sur son lit, sur sa jeunesse qui tarde à passer et sur sa bêtise de s'être défiler...
A l'époque, pas encore de portable, alors elle squatte la place tout l'été, avec ses nouveaux potes de là-bas, des jeunes de 16 à 25 ans avec qui elle glande et refait le monde.
Elle a toujours une boule au ventre, ne sachant si elle a peur ou envie de revoir Tarek...
Il hante ses jours et ses nuits.
Un jour bien sur, elle finit par le croiser...
Lui, comme si de rien n'était, lui fait la bise comme à une copine.
Elle part en mission argent, avec sa copine Marie, et il les accompagnent.
Elles essaient chez la mère de Marie, dans un quartier chic de la ville, mais pas de chance, non seulement elle refuse de leur filer des sous, mais elle interdit à Marie de ressortir.
Tarek et elle se retrouve tout les deux sur le palier.
Il se tourne vers elle, une méchante lueur dans le regard.
"Au fait, pourquoi t'es pas revenu la dernière fois, tu sais que je t'ai attendue?"
Elle sent monter une sorte d'angoisse qui lui assèche la gorge, l'air semble soudain manquer.
Elle lui répond qu'elle était interdite de sortie, qu'elle n'a rien pu faire.
Puis elle tente de le contourner pour prendre les escaliers.
Il lui bloque le passage.
"On n'avait pas fini, il me semble, susurre-t-il d'une voix étrange, mais ça tombe bien, ici c'est parfait."
Il la plaque contre le mur violemment, colle ses lèvres aux siennes.
Ses mains se glissent sous son tee-shirt avec une dextérité surprenante.
Elle cherche à le repousser, affolée, sentant que la situation lui échappe totalement.
Il lui met alors une énorme baffe, qui résonne longtemps dans ses tympans.
Elle vacille sous sa force, choquée.
Il reprend ses attouchements, comme si de rien n'était, essaie même de lui enlever son haut, mais de nouveau elle se dégage.
Il l'a frappe encore plusieurs fois, en lui disant de rester tranquille sinon ce sera pire, que de toute façon ce n'est qu'un boudin mais qu'il veux juste se vider les couilles.
Elle n'arrive plus à réfléchir, sa tête lui fait un mal de chien, le bourdonnement dans ses oreilles est insupportable.
Elle perd le contrôle, se met à hurler, pas un mot ni un appel au secours, un cri strident de toutes ses forces!
Elle reprend à peine son souffle et recommence, fermant les yeux, se laissant submerger par sa détresse, se concentrant sur sa voix, avec l'impression que sa tête et les vitres alentours vont éclater.
Quand elle rouvre les yeux, après ce qu'il lui semble une éternité, Tarek s'est barré, de peur que des gens les surprennent.
Mais personne ne sort. Elle se laisse tomber au sol, épuisée, ne sachant que faire.
Quand elle reprend un peu ses esprits, elle ne pense qu'à déguerpir en vitesse, au cas où il reviendrait.
Elle sort de l'immeuble toute tremblante, terrorisée à l'idée qu'il l'attende quelque part, croyant s'effondrer à chaque pas.
Mais il est parti.
Elle erre dans les rues, hébétée de ce qui vient de se passer.
Ses pas l'emmènent non loin de la place, dans le parc de la mairie.
Elle s'affale sur un banc.
Cela fait bien une heure qu'elle sanglote, incapable de bouger, prostrée sur elle-même.
Un de ses potes l'aperçoit, vient s'asseoir près d'elle et tente de comprendre.
Elle lui raconte, pas tout, sa fierté l'en empêche, elle parle seulement des coups.
Il vient de croiser Tarek justement, sur la place, se vantant de s'être taper une gamine pucelle.
Elle nie de suite et il semble la croire.
Il lui promet de rester avec elle et de ne plus jamais le laisser s'approcher.
Quand elle rentre chez elle ce soir-là, elle ne dit rien à personne et part se coucher tôt.
Allongée sur son lit elle pleure, elle pleure sur la mort de son enfance...qu'elle enterre profondément.
Image venant du blog de Dexter