Je suis dans mon appartement, je discute calmement, posément, avec celui qui pendant 3 longues année me fit vivre un calvaire.
Il est avec une jeune femme, qui l'a visiblement convaincu de venir ici. Un copain est à mes côtés et je me sens protégée.
Nous discutons de notre enfant, je lui apprends comme il a grandit, qu'il est en CE1, que tout va bien à l'école, et à côté aussi, c'est un petit garçon plein de joie de vivre, épanoui, mais à qui il manque un personnage essentiel dans sa vie...Son père.
Je guette les réactions de cet homme qui a partagé ma vie, que j'ai cru connaitre et qui, du jour au lendemain, m'a fais basculer dans un cauchemar. Je me demande, ce n'est pas à ce moment-là qu'il pète un plomb? Ce n'est pas là qu'il me dit que tout est de ma faute, que je suis la pire des connasses? Ce n'est pas là qu'il se lève et me tape dessus, comme si j'étais un punching ball et que ma seule fonction vitale était de le défouler?
Non.
Il ne bronche pas.
Il reste stoïque, mais je sens qu'il bout intérieurement.
Je me méprend. Peut-être a-t-il appris à discipliné ses émotions? A ne plus se laissé dominer par elles?
La jeune femme demande: Son papa lui manque?
Et moi j'embraye: Bien sur qu'il lui manque! Il lui manque un homme fort qui assume ses faiblesses. Il lui manque un confident quand maman déconne ou est la source du problème. Il lui manque un modèle qui lui montre la voie. Il lui manque des bras musclés et poilus qui chasse ses chagrins en l'enlaçant tendrement. Il lui manque le regard bienveillant posés sur ses pas, celui qui ne le juge pas mais l'accompagne sans lui barrer la route. Il lui manque tellement de toi. Bien sur j'essaie de combler les trous, comme je peux. J'ai tenté de trouver des remplaçants mais rien à faire, ils assurent un moment puis taillent la route et adieu.
Assis en face de moi, sur un fauteuil il fuit mon regard. Il semble tout petit, un petit garçon que sa mère serait en train de gronder.
Je me rends compte que je parle avec un peu trop de véhémence.
Je baisse d'un ton et change un peu de sujet.
Je lui demande comment vont les chiens, ils sont là près de nous, ils ont vieillis, comme nous, mais sur eux ça se voit plus.
Il me répond qu'il vont bien, oh bien sur ils trainent la patte, ne sont plus aussi fringants que dans le temps, Pista est presque aveugle et Chucky presque sourd. Il en profite pour placer une pique contre moi, insistant comme, heureusement, il a eu la merveilleuse idée de le récupérer après que je l'ai donné à un fermier.
J'encaisse le coup bas, je ne veux surtout pas rentrer dans le jeu des reproches.
D'ailleurs j'enchaine. Je lui répète combien notre enfant le réclame. Combien lui aussi a besoin de lui. Je le flatte comme je peux. Je lui dis qu'avant ses conneries, il était un excellent père, soucieux du bien-être de son enfant, qui savait prendre du temps pour lui, pour jouer, pour le câliner...
Je sens qu'en face de moi, imperceptiblement, il se referme. Mon copain prend alors le relais, il lui dis comme sa place auprès de son fils est préservé, qu'il ne tient qu'à lui de la reprendre. Il lui dis qu'il a de la chance, car d'autres mères n'auraient eu aucun scrupule à le descendre plus bas que terre, ce que je n 'ai jamais fais.
C'est alors qu'il se lève, en colère, subitement, sa copine tente de le faire se rassoir, d'ailleurs elle surenchérit sur ce que nous venons de dire, lui disant: Tu vois? Tu peux reprendre ton rôle de papa, il n'attend que ça!
Mais non, la trêve est finie, il prend ses chiens et gagne la sortie.
Sa copine le suit et mon ami aussi.
Il tente encore une fois de le raisonner, je les entends négocier sur le palier.
C'est alors que tout bascule.
Je le sens, je le sais.
Ma porte d'entrée s'est refermée derrière eux mais elle est vitrée sur toute la moitié supérieure et je vois mon ex au travers.
Son regard est rempli de haine et son sourire ressemble plus à une grimace. Une peur panique s'empare de moi.
Sa copine a également changé de comportement et même de faciès.
Elle qui tout à l'heure exprimait la douceur, se met maintenant à ricaner méchamment.
Ils restent tout deux devant la porte, à échanger des messes basses avec des mines de conspirateurs.
Je comprends que ça ne va pas en rester là.
Ils montrent à plusieurs reprises mon appartement du doigt, et ils passent des coups de téléphone, les bribes de conversations qui me parviennent, me laissent entendre qu'ils projettent de rentrer chez moi, de me défoncer la figure et de voler tout ce qu'ils peuvent.
Je perds pied, je commence à éteindre tout les appareils électriques qui fonctionnent dans la pièce principale, et je réalise à ce moment que j'ai au moins ou 4 ou 5 chaînes Hi-fi, sans pouvoir me l'expliquer. Peu importe, je les fais taire les unes après les autres.
Je me dis aussi qu'il faudrait que je ferme la porte à clé, mais je n'ose pas tant qu'ils sont devant.
A un moment il s'éloignent un peu, et je vois que c'est à cause de mon voisin qui rentre chez lui. Je vais pour en profiter et me boucler à double-tour mais quelque chose m'arrête net. Je vois mon fils, en bas des marches, qui discute avec son père. Il est souriant, ravi de le revoir après tout ce temps. Il montent ensemble les escaliers et entre dans mon appartement.
Une fraction de seconde j'espère que tout est réglé, que le père de mon fils, par sa présence, va se calmer. Mais il n'en est rien.
Mon fils me lance: Regarde qui est là maman!
Son père lui répond, t'inquiète, on s'est déjà vu, mais j'en avais pas fini avec ta salope de mère.
Notre fils rigole un peu, surpris d'entendre pareille grossièreté dans la bouche de son géniteur.
L'homme s'avance vers moi, menaçant.
J'ai tout juste le réflexe d'attraper une chaise, que je met devant moi en bouclier, et je dis d'une voix sourde à mon fils: Monte dans ta chambre, tout de suite!
Mon ex s'avance encore, mais mon fils m'obéit sur le champ.
Je lève la chaise au-dessus de ma tête, et contre toute attente, je m'avance, rageuse, avec l'énergie de celle qui se moque de la peur, qui choisit de la transformer en colère protectrice.
Il hésite un peu, recule en riant pour se donner une contenance.
Je parviens à le repousser jusqu'au sommet des marches, et grâce à cela, je lui claque la porte au nez et ferme tout les verrous possibles.
Ses yeux lancent des éclairs de haine et je sais qu'il ne va pas en rester là.
Je me rue sur le téléphone, compose le numéro de la police et m’agrippe au combiné en attendant une réponse, tout en surveillant les mouvements de l'extérieur.
Une femme me répond, me dit qu'elle est désolée mais qu'actuellement toute les patrouilles sont en service, que peut-elle faire pour moi?
Affolée, je parviens au prix de gros efforts à maîtriser ma voix chevrotante et à articuler de manière audible: S'il vous plait, je suis au 6 rue des ajoncs, à saint nazaire, mon ex est devant ma porte, il cherche à rentrer chez moi pour m'agresser, il a déjà été condamné pour violence contre moi, et il a fait de la prison pour ça. S'il vous plait, il faut que quelqu'un vienne au plus vite.
Pendant ce temps il me regarde à travers la vitre et se moque de moi, me fait des gestes obscènes, esquisse même des pas de danse, comme si tout cela l'amusait au plus haut point.
La secrétaire me répond gentiment, tente de me calmer.
Je vois mon ex faire demi-tour, descendre les marches à toute allure.
Il monte dans une voiture qui vient d'arriver, fait hurler le moteur et entreprend de défoncer le portail extérieur avant de commencer à gravir les marches.
Mon fils descend me rejoindre, apeuré, nous traversons la salle du côté opposé, sortons côté jardin et refermons soigneusement derrière nous, conscient que ces deux pauvres portes vitrés sont de bien maigres remparts entre nous et ce taré.
J'entends un déclic au téléphone et on me met en relation avec une patrouille, la femme qui me parle maintenant me dit que tout va bien, qu'ils sont en route et ne devraient plus tarder, elle me demande de répéter la raison de mon appel et le lieu ou je suis.
C'est alors que je vois la voiture de mon ex surgir dans le salon, démolissant tout sur son passage.
Le chaos total, des pans de murs chutent de tout les côtés, je m'entends hurler, un son inhumain sort de ma bouche et j'ai du mal à l'arrêter.
Je colle ma bouche au combiné, tout à coup persuadé de m'être trompé dans l'adresse que je leur ai donné...
Je suis plongé dans le noir et murmure: Allo madame?
J'ouvre alors les yeux, il fait nuit, j'entends ma respiration saccadée, je réalise que je suis dans mon lit, chez mon amie à Avignon. Ce n'était qu'un cauchemar et pourtant je répète: Allo madame?
Il est 03h30 du matin.