Et si on disait que cette fille, qui écrivit un jour ces lignes dans ce carnet rouge...
Si on disait que cette fille n'était plus et que celle qu'elle deviendrait n'était pas encore mais qu'au fil de ses vers elles n'en digère plus le fil et qu'à un seul tient le prochain chemin qu'elle prendra?
Et que si on allait encore plus loin, on la verrait là, dans son pieu, le pc sur ses genoux, après avoir maté un énième film à l'eau de rose, le coeur en berne et les idées noires toute faites, prête à se jetées sur elle pour la bouffer, pathétique, puisque c'est un maux qu'elle affectionne particulièrement...
Si on disait qu'elle serait un peu paumée mais pas plus que d'autres fois, et que même si elle fanfaronne, comme quoi elle va vite passé à autre chose, qu'au fond elle a l'habitude, que c'est pas parce qu'elle vient de se ruer sur sa porte d'entrée, le coeur battant si fort qu'il a commencé à percer une sortie vers l'air libre, qu'elle a collé son oeil et constaté que ben non, c'est pas lui, c'est juste un mec bourré qui toque chez son voisin...
Si on disait que toute forte et pleine d'entrain qu'elle puisse être parfois, que toute fragile et névrosée d'autres fois, qu'elle a juste envie d'...
Et puis si on disait rien, du bord d'elle incommensurable, de ses mots qui s'arrêtent à ses lèvres, qu'elle mord instinctivement, de ses mains qui lui échappent parfois, pour vérifier ses mails,...
Si on omettait de parler du fait qu'elle a négligemment proposer à son fils qui la harcèle à son sujet, de lui téléphoner demain, après tout s'il ne décroche pas c'est son choix, et puis c'est pas pour elle, c'est pour son ptit loup, qui décidément ne s'y retrouve plus non plus!
Et si on ne parlait pas de sa trousse de toilette, encore accroché à la porte du placard de la salle de bain, de ses caleçons oubliés qu'elle a soigneusement rangés dans l'armoire, si on évitait de dire qu'elle...
Chut!
On en peut-être déjà trop dit au fond...
Et voilà que le téléphone sonne, pas de bol, ses prétendants se rappellent à son bon souvenir, à croire qu'ils ont le flair ceux-là!
Mais lâchez-là!
Vous voyez pas qu'elle préférerait se faire nonne plutôt que de venir à cette soirée débile, faire la conversation à un pauvre mec pour qui elle n'aura jamais le moindre intérêt, pour entretenir l'illusion qu'elle s'en fout, qu'elle a retrouvé sa liberté et youpi tagada tsoin tsoin!
Qu'elle préfère encore l'abstinence choisie à une partie de jambes en l'air avec un abruti!
Et si on disait que si elle parle comme elle écrit ou l'inverse, confusément, c'est ptetre parce que le coeur crie, le sens critique baisse les armes, baise les larmes, et enivre l'âme, qui comme dirait Jung n'est pas si mystérieuse que ça, en cela qu'on lui reconnaisse sa fâcheuse tendance à l'exquise esquive, et puis merde!
Et si on criait que c'est trop con quand même, que d'abord non elle s'en fout pas, mais qu'elle s'en fout quand même, que de toute manière elle est très bien toute seule, qu'elle est heureuse d'avoir retrouvée ses soirées solo devant le pc, sa non-nécessité de s'épiler, que si elle pue de la gueule au réveil, au moins ses tigres fidèles ne lui reprochent pas, et puis qu'elle peut péter à tout va, que non c'est pas une princesse, que même si elle a de la cellulite sur les fesses, un compte courant qui ferait mieux de compter ses ex, que la vaisselle peut s'entasser dans l'évier, que ses cendriers disparaissent sous les clopes, que prendre la pilule ne sert plus à ne pas tomber en cloque mais à limiter celles sur sa figure, que non la vie n'est pas si dure!
Et si elle chuchotait que rien ne la touche, pas même qu'on la regarde sous la douche, qu'il n'y a plus que des gros mots qui embrassent sa bouche, que le feu qui la brûle la glace, insidieuse, mais non même pas elle est heureuse, juste triste à pleurer mais voilà elle pleure pas, parce que même ce luxe ne la distillera pas, sa peine, elle la partage, sur un clavier bien sage, qui n'entend qu'un bout de rien...réduite dans sa peau de chagrin...qui lui va si bien